La parution des Cahiers noirs de Heidegger en 2014 a provoqué de violentes polémiques quant au sujet de l'antisémitisme supposé de leur auteur – aussi bien en Allemagne comme en France. Entre autres, le président de la Martin-Heidegger-Gesellschaft, Günter Figal, professeur en philosophie renommé à l’université de Freiburg, a démissionné en janvier 2015 de la présidence tout en prenant ses distances par rapport à Heidegger et en réaction aux passages clairement antisémites. Contrairement à l’opinion dominante jusqu’à nos jours qui voulait que Heidegger n’avait justement pas été antisémite, on doit se confronter dorénavant à cette question : comment affronter la dimension de l’antisémitisme dans la pensée d’un des plus grands philosophes du 20ème siècle ? Comme le souligne l’éditeur des Cahiers noirs, Peter Trawny : « Notre vision de Heidegger comporte maintenant une facette nouvelle, inconnue jusqu’ici : à un certain moment de son cheminement, le philosophe a ouvert sa pensée à un antisémitisme inscrit dans l’histoire de l’être. » Rejetant conjointement une position apologétique et une position purement hostile, Trawny nous propose dans son livre Heidegger et l’antisémitisme une troisième voix philosophique, qui « se pense capable de nommer clairement “l’erreur” de Heidegger et en même temps de souligner l’esprit abyssalement philosophique des Cahiers noirs. »